Sport professionnel : pour une meilleure intervention de l’État

Avec la possible arrivée de la coupe du monde de soccer et du retour des Expos lors des prochaines années, on parle de plus en plus de l’intervention des différents ordres des gouvernements (municipal, provincial, fédéral) dans les projets de développements des infrastructures sportives. Les semaines qui ont suivi l’élection de Valérie Plante à la Mairie de Montréal, ont amené à une angoisse des milieux d’affaires et sportifs, face au supposé désintérêt de l’administration montréalaise quant à la construction d’un nouveau stade de baseball à Griffintown.

Si le projet semble emballant, beaucoup de citoyens ont encore en mémoire le fiasco financier de la construction du stade olympique, tombeau pharaonique des dernières années des Expos dans la Métropole. De plus, une autre dépense de plusieurs millions de dollars pour le Centre Vidéotron, un cadeau gouvernemental pour une compagnie privée incapable de ramener les Nordiques dans la Capitale, a laissé un goût amer à certains, qui ne veulent pas revoir une infrastructure vide, vouée à des équipes juniors ou des spectacles de musiques métal.

Au niveau gouvernemental, par contre, plusieurs autres avenues sont possibles au-delà de la construction de stades et des congés de taxes.  L’État n’est pas obligé de donner des aides financières aux équipes, il peut aussi en donner aux joueurs. Il pourrait aider au recrutement de certains éléments en établissant un régime fiscal spécifiquement aux joueurs professionnels, selon une moyenne des taux d’imposition des différents états ou provinces de l’Amérique du Nord. Cet avantage fiscal pourrait être offert en échange de participation civile à des projets de sensibilisation ou d’actions communautaires, qu’on le veuille ou non, ces professionnels sont souvent des modèles plus importants que les politiciens ou artistes.

On peut aussi aider les équipes à faire face à la dévaluation du dollar canadien, afin de pouvoir compétitionner  plus équitablement face aux marchés américains, car leurs dépenses se font souvent en dollars américains, tandis que leurs revenus le sont en dollars canadiens. Un fiscaliste pourrait trouver une solution mieux que moi à ce sujet, mais c’est un aspect que l’on ne peut mettre de côté pour l’établissement d’une franchise viable au Québec.

En échange de ces aides financières, les équipes pourraient également laisser des billets à des prix modiques ou abordables… Si l’État doit intervenir directement, cela devrait être avant tout pour assurer une accessibilité aux sports, autant dans l’arène que dans les estrades. Le sport doit être pour tout le monde, car avoir un accès limité aux activités sportives durant l’enfance amène non seulement des problèmes de santé, mais aussi d’estime de soi, en faisant en sorte que les rêves de « de la ligue nationale» ne sont désormais possible qu’aux mieux nantis.

Les municipalités aiment construire des arénas et des centres aquatiques pour faire plaisir à leurs amis entrepreneurs ou ingénieurs, mais le sport c’est plus que du béton.  Le sport c’est avant tout des êtres humains, qui veulent participer pou encourager, qui veulent construire quelque chose pour eux-mêmes, mais également pour leur collectivité.

Le gouvernement doit voir les équipes professionnelles comme une chaîne faisant partie de la structure de développement sportif national et les intégrer au sein de leurs politiques publiques. Il ne s’agit pas ici que de divertissement.

Une équipe «nationale» demande un programme national, il faut donc offrir des opportunités à des talents locaux. Cela serait possible si on avait une véritable équipe nationale pour souvenir le développement des athlètes, mais le Québec doit pour l’instant être subordonné à des fédérations nationales ayant des intérêts pouvant diverger des nôtres. Les équipes professionnelles viennent ainsi combler un manque, elles permettre d’apporter une fierté collective, une fierté que l’on partager qu’avec sa communauté… une communauté qui nous définit mieux, celle qui nous appartient vraiment.

Faire fi du financement public dans l’établissement d’une franchise sportive privée est quasi impossible à concevoir. Ces équipes comprennent trop d’éléments collectifs pour être vues comme une simple propriété d’un millionnaire excentrique ou d’un consortium milliardaire. L’État doit prendre une place dans ce type de projet, en fait, il doit prendre toute la place liée à la sphère publique.  Et celle-ci est principalement liée au développement et au renforcement des différentes structures sportives.

Il faudra comprendre aussi que pour avoir des résultats intéressants pour nos équipes professionnelles, que ce soit au niveau des victoires que des revenus, nous devons former de meilleurs athlètes au sein des différentes disciplines sportives. Non seulement pour fournir des joueurs locaux, mais aussi intéresser plus de gens à ces sports.  Voilà ici, je crois, la plus importante intervention qu’un État peut donner à une équipe professionnelle.

Il faudra produire les meilleurs joueurs en Amérique du Nord, afin d’offrir les meilleures opportunités aux garçons et aux filles qui pratiquent ces sports. Les avantages de tels projets sont nombreux, aide à la lutte au décrochage scolaire, développement d’une expertise au niveau national et une meilleure santé de la population dans son ensemble qui a un plus grand accès à l’activité physique. De plus l’aménagement d’infrastructures sportives pour la collectivité peut servir à revitaliser des secteurs en difficulté, en plus de rassembler les communautés autour d’une équipe. Apprendre à aimer une équipe n’est-il pas un bon moyen d’apprendre à nous aimer nous-mêmes, en tant que groupe?

Cela pourra paraître utopiste, mais l’excellence ne naît pas d’elle-même. Et pour faire comprendre à la population que les victoires sont à portée de main, que rien n’est impossible dans notre coin de pays, il faut bien commencer par gagner quelque part. Le sport ce n’est pas  qu’une business, c’est une fabrique de significations dans un monde en quête de repères, c’est aussi le chantier d’une fierté collective qui se perd alors que les barrières tombent, c’est le dernier cri de ralliement des dernières véritables batailles, c’est un des derniers bastions de nos vies quasi virtuelles où l’humain est la mesure de toute chose. Il est temps, je crois, de se le rapproprier.


Politiques publiques proposées dans cet article

  1. Régime fiscal distinct pour les joueurs professionnels
  2. Aide concernant la dévaluation du dollars canadien
  3. Programme de développement nationaux intégrant les équipes professionnelles

L’Impact : changement d’identité

Les personnes nées à l’an 2000 ont 18 ans cette année.  Ces enfants qui deviennent des adultes n’ont aucune attache dans le dernier millénaire ou dans le vingtième siècle. Ceux étant né en 1993, l’année de la dernière conquête de la Stanley du Canadien, auront 25 ans, le même âge que l’Impact de Montréal.

Pour ces jeunes, le club de soccer montréalais est aussi vieux que le Canadien, les Alouettes, l’Université McGill, l’Hôtel de Ville ou le Stade olympique.  Pour eux, les affiches des magasins ont toujours été en français, le Plateau toujours habité par des Français qui paient leur loyer trop cher, les restaurants toujours reconnus comme extraordinaires, la scène musicale comme étant une des plus cool au monde et que les cônes oranges sont une normalité dans notre paysage urbain.

Il en a fait du chemin l’Impact depuis un quart de siècle, depuis le Centre Claude-Robillard, les années de misère… On a vu un miracle en Ligue des Champions, l’arrivée de Drogba, une demi-finale de l’Est devant plus de 61 000 spectateurs; et puis l’année dernière, un retour forcé à la réalité…

Et puis 2018, une nouvelle ère avec l’arrivée de Rémi Garde. Pour le club, il ne s’agit pas uniquement de l’embauche d’un entraîneur de haut niveau, mais également de son arrivée à maturité.  Pour les dirigeants, cela signifie deux choses : premièrement, que l’équipe n’est plus le jouet de passionnés dévoués à la cause, mais aussi de l’acceptation du véritable rôle sportif et social de l’Impact tant au sein de la ligue que de la nation québécoise.

Excellence comme nécessité

Même si cela me rend nauséeux de l’écrire, nous devons remercier le Toronto FC d’en être arrivé là. Il s’agit non seulement de la meilleure rivalité du sport montréalais (même de la MLS), mais également d’une cible que le club doit non seulement atteindre, mais également dépasser.  La grande différence entre la grande majorité des rivalités sportives est que celle entre Montréal et Toronto est également une bataille de styles, de philosophies et surtout d’identités.

Si le Toronto FC domine, c’est avant tout grâce à l’argent. Pendant neuf ans, le TFC a essayé d’avoir une équipe sympathique avec des joueurs locaux et ils étaient exécrables. Le conglomérat de millionnaires qui possède le club a décidé de jeter l’argent par les fenêtres, afin d’avoir une équipe pouvant accéder aux grands honneurs. Il ne faut pas croire pour autant que Toronto a « acheté un championnat ».  Il fallut trois ans pour mettre cette formidable machine de soccer à point, jusqu’à l’année dernière où le club a remporté le Championnat Canadien, la saison régulière et la MLS Cup. Jamais dans la ligue on n’avait vu une réussite aussi fracassante.

Même si l’équipe a toujours été un peu à part des autres, cette année, l’Impact a décidé d’assumer ses différences et d’en faire des avantages.  Comme les grands chefs montréalais, pour se démarquer, il faudra se tourner vers les produits du terroir.  Contrairement au hockey, il n’y a pas de tradition au soccer; il faudra donc tout inventer, accompagné d’une aide extérieure pour se former une identité qui nous est propre.  Et une tradition d’excellence peut se construire assez rapidement, regarder comment le Football universitaire québécois, autrefois moribond, est devenu le meilleur système au Canada.

Cette année l’Impact a arrêté de vouloir faire plaisir à la ligue et au système américain. Pour le meilleur et pour le pire, le Bleu-Blanc-Noir fera à sa façon, avec ses joueurs. On l’a d’ailleurs démontré lors du dernier repêchage, où l’équipe technique a préféré échanger ses choix pour le l’argent, car elle faisait plus confiance aux produits de l’Académie que ceux de la NCAA. Cela n’envoie pas uniquement un message aux jeunes de l’Académie, mais tous ceux qui s’exercent, en ce moment sur les terrains du Québec. Plus précisément que le club va leur laisser une place, qu’ils pourront faire partie d’un projet où ils auront un rôle majeur à jouer. L’impact a compris une évidence que les autres équipes montréalaises ont oublié : que les produits locaux ne servent pas uniquement à vendre des billets , mais qu’ils peuvent contribuer aux succès de l’équipe.

L’Impact possède un avantage avec son Académie, celle d’avoir un bassin intéressant de joueurs locaux et de ne pas en échapper ainsi au profit d’autres équipes.  Elle pourra devenir alors le véritable reflet du talent québécois, talent qui possédera déjà une loyauté au club qui l’a formé et dont les supporteurs connaîtront déjà le potentiel.  Le parcours sera sûrement long et difficile, mais cela paraît être la meilleure direction à suivre.

Un Montréal renouvelé 

Imaginez tous ces jeunes pour qui l’Impact est aussi vieux que le mont Royal ou le Smoked Meat de chez Schwartz’s, pour qui son allégeance va-t-elle pencher? Sûrement pour le club qui reflète le plus son identité, pour qui des gens lui ressemblant participent au succès du groupe. Le Québec d’il y a 25 ans est déjà vieux, enfermé dans un autre siècle, un autre millénaire… Il est temps de regarder vers l’avant, de se reconstruire, de comprendre ce qui nous distingue, ce qui nous rend uniques, ce qui peut faire de nous les meilleurs.

La population montréalaise change non seulement au niveau démographique, mais également à celui des valeurs et des habitudes de vie.  La dernière élection l’a clairement démontré, où les événements à grand déploiement et les promesses du retour des Expos n’ont pas recueilli l’adhésion escomptée.  Les électeurs ont fait fi des souhaits de l’établissement pour élire une administration proposant des idées plus près des intérêts des citoyens.

Pour bon nombre de Québécois, le retour des Expos fait rêver, mais pour les plus jeunes et les nouveaux arrivants les Expos c’est déjà de l’histoire ancienne, c’est un vestige du passé, de la nostalgie. Je ne suis pas contre le retour du baseball majeur dans la métropole, mais mettre autant l’emphase sur ce projet démontrait une déconnexion avec l’électorat. Cela indique également que Montréal se distance du reste du Québec, du moins qu’il essaie de l’emmener dans une autre direction. Pas étonnant que la nouvelle mairesse soit une grande fan de l’Impact, elle est le reflet de nouvelle cohorte de Montréalais qui ne rêvent plus d’une maison en banlieue, d’un beau gazon vert et d’une piscine hors terre.

Cela explique peut-être la réticence de certains qui voient encore le soccer comme un « sport d’immigrants ».  L’Impact s’est développé parallèlement à cette nouvelle génération de Montréalais après le référendum de 1995, loin des divisions traditionnelles, parlant français en plus d’une ou plusieurs autres langues, habitué à la différence, vivant l’effervescence et la solitude de la grande ville. Cette grande ville toutefois plus habituée aux chocs des idées qu’à l’unanimisme de petit village, si différente du reste du Québec, encore plus du reste du Canada, Montréal est devenue une autre façon de représenter le Québec.  Pendant qu’ailleurs on rejette, ici on accepte… À Montréal, l’avenir fait moins peur.

Accepter le changement

Pour beaucoup, accepter l’Impact c’est accepter beaucoup trop de choses pouvant leur déplaire. Accepter que les plus jeunes connaissent plus ce sport qu’eux, accepter une nouvelle culture sportive où se retrouvent des supporteurs et des joueurs de tous horizons.  Soutenir l’Impact, c’est également accepter que le Québec change, et pour certains, il s’agit d’un choix trop difficile à faire.

Combien de championnats aura l’Impact dans 25 ans? Nul ne le sait, mais l’équipe pourrait bien devenir le véritable symbole d’un peuple en pleine quête identitaire. Si le Bleu-Blanc-Noir peut montrer la voie aux autres équipes sportives montréalaises, cela ne peut être que bénéfique à notre société. Car depuis trop longtemps les vieilles façons ne fonctionnent plus et il est grand temps que l’on retrouve le chemin de la victoire… dans le sport comme ailleurs.

Mes vacances « baseball » cet été

Cet été, j’ai réalisé un rêve un peu fou et très particulier.  J’avais depuis longtemps l’idée de parcourir le Québec régional dans le but de visiter ses microbrasseries et assister à des matchs de baseball qui y survit encore.

Le baseball peut aussi être un bon prétexte pour visiter le Québec et de sortir des sentiers battus.  Nous ça été la bière, mais il y a des artisans, des restaurants, des musées, des campings, des sentiers de VTT, ou des pistes cyclables un peu partout, ce n’est pas les activités qui manquent.

Mon périple a commencé en quelque sorte avec un match de l’Impact la veille de ma « tournée », et quel match ! Un tour du chapeau de Drogba, Patti qui tricote de bas et sert des tasses de café à l’équipe adverse toute la soirée, en plus de Mancosu qui marque à sa présence avec le club montréalais… Avec les ultras en feu, le Stade Saputo a failli exploser.

Alors avec toute cette émotion, je me suis couché tard, pour partir au petit matin pour un match de baseball de la ligue Can-Am au Stade Municipal de Québec en après-midi.  Je m’attendais a un peu plus d’un match entre les Capitales et les Aigles de Trois-Rivières.  Les visiteurs l’ont emporté 4-1 sur des erreurs…

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Match Aigles de Trois-Rivières @ Capitales de Québec

La première impression que j’ai eu au match des Capitales de Québec, c’est la quasi-absence de minorités visibles dans les estrades.  Pour le gars de Villeray, ce genre d’environnement est toujours un peu déconcertant…

On a été moins chanceux à Trois-Rivières, le match a été reporté pour cause de pluie.  On a fait un peu de visite, on a bu beaucoup plus que prévu. (NDLR : Finalement, on a pu utiliser nos billets pour un match durant la fin de semaine de la fête du Travail, on a eu droit a un match de fou où les Aigles l’ont emporté 10-9 en dixième manches).

Après un arrêt à Magog, nous sommes allés voir deux matchs à Coaticook et à Sherbrooke.  Je peux vous certifier que le baseball dans les Cantons-de-l’Est, c’est sérieux. Le stade à Coaticook est assez surprenant pour une « petite ville »; celui à Sherbrooke est un peu moins beau, mais on y compense largement par l’ambiance et l’organisation.  Bref, on a eu bien du fun.

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Stade Municipal de Québec

Au baseball, comparativement aux autres sports, le niveau de jeu n’a aucune influence sur mon appréciation du spectacle.  J’aime le soccer, j’adore l’Impact, mais je ne crois pas que j’aurais beaucoup de plaisir à regarder un match de semi-pro avec le même plaisir.  Lorsqu’on passe dans un parc où il y a un match de baseball, il est plus que fréquent qu’on arrête pour regarder. C’est un sport qui « impose » la pause, qui fait arrêter le temps, ce que les gens ne font pas dorénavant assez…

Le meilleur moyen de perdre 3 à 4 heures dans une journée, car aller un voir « une game de balle », il faut accepter de perdre son temps. C’est prendre une pause avec le rythme effréné de la vie moderne. C’est aussi un acte de Foi, car on sait lorsque ça commence, mais on ne sait jamais lorsque ça va finir.  Regarder du baseball, c’est plus anticiper le dénouement du jeu, que le jeu lui-même. La beauté de ce sport réside plus dans l’imprévu, l’inespérée, la différence étant toujours faite lorsqu’un des joueurs effectue une action considérée au-delà de ses capacités.

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Match Cactus de Victoriaville @ Expos de Sherbrooke, Stade Amédée-Roy

Certains en visite aux États-Unis vont voir des parties des ligues majeures comme si c’était quelque chose d’exotique, comme je l’ai déjà fait au Wrigley Field à Chicago.  Pour beaucoup, le baseball ne fait déjà plus partie de nous, mais les Québécois jouent au baseball depuis plus d’un siècle.  Le baseball, c’est un élément de notre héritage, de notre identité.

 

Toutefois, le manque de leadership des Expos d’emmener des Québécois dans les ligues majeures, de prendre prendre possession véritablement de ce sport, de donner aux jeunes athlètes québécois un autre domaine où ils pouvaient exceller, peut expliquer que ce détachement fut aussi facile ces dernières années.

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Stade Expos de Sherbrooke @ Big Bill de Coaticook, Stade Julien-Morin

Aller voir un match de baseball en Région, c’est un peu comme assister à une assemblée de comté du PQ, beaucoup de têtes blanches, pas beaucoup d’immigrants, une poignée de fanatiques et deux-trois touristes… Le baseball est devenu en quelque sorte un acte de survivance et du même coup une réaction à de profonds changements qui bouleversent la société québécoise.  C’est un lien avec un passé qui s’efface tranquillement…

Il faut arrêter de croire que le « retour du baseball » passe par un retour des Expos. Avant 1968, les terrains de baseball étaient remplis partout sur le territoire du Québec, les joueurs québécois dans les ligues majeures étaient tout aussi rares et personne ne semblait s’en soucier.

C’est pourquoi je crois qu’il faudrait une équipe sénior ou Can-Am, plus près du centre-ville (sur le Plateau ou quelque chose du genre) et il faudrait même la présence de ces équipes de niveau « inférieur » à Montréal, même si les Expos revenaient s’installer dans la Métropole. Premièrement, cela donnerait accès à un niveau supérieur aux joueurs québécois et montréalais. Ensuite, permettrait à certains quartiers de renforcer leur sentiment d’appartenance, en ayant un lieu de rencontre.  Car, il y a toujours de la place au baseball et le baseball accueille tout le monde, c’est le plus démocratique des sports. Les bons joueurs sont ceux qui réussissent un coup sûr environ, 3 fois sur 10. On célèbre en quelque sorte les moins pires plutôt que les meilleurs, tout le monde peut s’identifier à ce genre d’athlètes.  C’est pourquoi je crois que le plan d’action de la Ville de Montréal pour le baseball est une bonne chose, il était temps qu’on réinvestisse un peu dans ce sport oublié. Expos ou pas Expos, je crois que cela ne peut être que bénéfique pour les jeunes, nos infrastructures sportives, et l’augmentation de l’activité physique.

L’Impact… national

 

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Célébration d’avant-match au Stade Olympique avant la tenue du deuxième match de la finale de la ligue des Champions de la CONCACAF opposant l’Impact de Montréal au Club América. Plus de 60 000 personnes ont assisté à cet événement.

La dernière coupe Stanley du Canadien de Montréal était en 1993, la même année que la fondation du club de soccer de l’Impact de Montréal.  Depuis, le Canadien n’a rien gagné, les Expos sont partis et les Alouettes sont revenues. L’Impact, lui,  a eu un parcours des plus chaotique, mais a réussi à tenir le coup au travers des changements de ligues, ramassant ici et là des championnats, accédant finalement à la MLS en 2012 et devenant aussitôt une des ses équipes phares, surtout en accédant presque par miracle à la finale des ligues des champions de la CONCACAF au début de l’année 2015.  Petit à petit, le Bleu-Blanc-Noir commence à faire son nid et s’impose dans le paysage sportif Montréalais et Québécois, surtout depuis l’arrivée la saison dernière de Didier Drogba, venu stabiliser la situation dans un club encore fois perdue dans la tempête.  Mais l’Impact a réussi plus que des exploits sportifs durant l’année 2015, le club de soccer à réussi à sortir de la marginalité dans laquelle l’establishment médiatique l’avait enfermé et également devenue, surtout chez les plus jeunes, l’incarnation d’un Québec plus actuel, plus ouvert et plus diversifié.

Il faut savoir que le plus gros avantage (et également son plus gros inconvénient) chez l’impact est son pouvoir d’attraction immense envers la génération Y, les fameux « 18-34 ».  Si le mot-clic #IMFC (Impact Montréal Football Club) est le plus populaire dans le tout le Québec, le club de soccer montréalais a peine à s’imposer dans les médias plus traditionnels.  Les fans de l’Impact représentent actuellement un « cult  following », qu’un véritable engouement à l’échelle nationale.  Les partisans eux sont souvent frustrés de se faire dire à tout bout de champ « quoi… t’aimes ça le soccer ? ».  L’Impact aux yeux des non initiés, est cette curieuse chose venue d’un autre monde.  Le club n’a pas pour ainsi dire de tradition, contrairement aux Canadiens ou même aux Alouettes dont l’attachement peut se transmettre des plus vieux ou aux plus jeunes. L’Impact doit de son côté faire le chemin inverse, car ce n’est pas les bras meurtris qui transmettent le flambeau, mais les plus jeunes qui tirent quasiment les plus vieux dans le stade.  L’effet de nouveauté fait en sorte la composition du noyau dur de partisans est aussi le reflet d’un Québec très actuel, c’est-à-dire culturellement très diversifié. Je ne dois pas vous faire un dessin, pour vous expliquer que dès qu’on retrouve plein d’immigrants à un endroit, ça rend certains (pas tous quand même) Québécois de souche plutôt réticents à se joindre au party.  Dans ce monde de controverse sur le blackface, les réfugiés et sur des propos de mononcle en tout genre, la famille de l’Impact nous permet d’avoir un lieu où le Québec peut être ouvert et actuel sans obligé d’être obligatoirement de « gauche révolutionnaire ».

Il faut comprendre que les équipes sportives nous donnent un moyen par procuration de converser avec nos voisins. Autrefois, les Expos reflétaient notre relation avec les Américains, ils permettaient d’exprimer notre « américanité » au travers de leur sport national.  Le baseball des Expos à la radio c’était la trame sonore de l’été québécois avec ses canicules, les papas qui lavent leurs voitures, les vieillards sur leurs perrons, les amis à la plage et les traîneux qui jasent avec le caissier du dépanneur.  Avec l’instantanéité des informations, ce monde semble encore plus lointain que la décennie réelle du Québec sans baseball des Ligues Majeures.

Les Alouettes, ainsi que le football universitaire, nous donnent en quelque sorte une conversation avec le reste du Canada.  Notre Football à trois essais est peut-être moins Glamour que celui de la NFL ou de la NCAA, mais c’est le nôtre.  La victoire est toujours fort appréciée, mais une coupe Grey ou une coupe Vanier n’ont rien d’une Coupe Stanley.  Personne sur le reste de la planète, sauf pour le record d’Anthony Calvillo, ne se soucie du football canadien.  Notre attachement à ce sport réside dans son exclusivité, mais l’espace dans lequel il est confiné est si restreint qu’il devient difficile de soulever les passions les plus intenses.

Les Canadiens de Montréal démontrent notre supposée domination historique sur le hockey. Le hockey étant né à Montréal, il est normal que la plus grande équipe de la LNH soit celle de cette ville. Mais la tradition pèse, et c’est dur pour les plus jeunes de se retrouver dans cette suite d’équipes ordinaires, remplies, hormis peut-être PK Subban, de joueurs impassibles aux propos édulcorés, alors que nos aïeux ont été témoins des plus grands exploits des plus grandes légendes… Le Canadien est devenu ce monolithe immobile perdant continuellement de son pouvoir d’attraction et dont la fonction de « nation building » s’est changée en morne habitude qu’on accepte sans trop réfléchir.  Un des éléments qui illustre bien cette situation est la question du fait français,  alors que les vedettes multimillionnaires du club de hockey se contentent des « Merci Beaucoup » au début et à la fin de leurs entrevues.  Si auparavant l’équipe était un microcosme de la société dont elle provenait, avec des dirigeants anglophones et des vedettes francophones sous-payées; elle est désormais dirigée par des francophones, souvent inexpérimentés, et avec des joueurs de partout dans le monde, comprenant une poignée de joueurs de soutien à saveur locale. Comme auparavant, la langue de travail chez le Canadien est l’anglais. La situation est tout autre chez l’Impact où les joueurs francophones sont nombreux, au point où certains joueurs étrangers se mettent à apprendre le français et le parlent sans trop de difficultés.  Il faut savoir que le monde du soccer est plus diversifié et qu’il est normal pour un joueur de parler plusieurs langues. Malgré tout, si le français est dominant, il ne s’impose pas comme tel.  L’entraîneur peut en quelque sorte, engueuler le joueur dans la langue de son choix, mais au moins les journalistes n’ont pas à faire la file devant les deux mêmes « plombiers » pour avoir des commentaires dans la langue de Vigneault…

Quand on compare avec le Canadien où toute communication est fortement contrôlée et où le ton est toujours poli, donnant une teinte très beige à une équipe qui devrait plutôt porter les passions de tout un peuple.  L’Impact, elle, fuit de partout, a un message souvent brouillon, apparaît dysfonctionnelle, et pourtant ceux qui en font partie, restent malgré tout.  Car l’Impact est une grande famille, pendant que les Québécois s’éloignent de plus en plus d’une Charte à l’autre, la communauté du Bleu-Blanc-Noir se tisse encore plus serrée au gré des triomphes et des tragédies formant la courte histoire de l’équipe.

Le Canada, les États-Unis, l’Amérique du Nord, cela semble désormais trop petit pour la génération du Printemps Érable, des réseaux sociaux, des « Start Up », de la fluidité des genres et du Québec inclusif. Cette petite équipe de soccer parfois un peu broche à foin, mais pleine de convictions, converse avec le monde et c’est exactement ce que cette génération veut.  Même si on est encore pas de taille, les supporters se projettent dans cette conquête du monde, et contrairement à d’autres, dans ce projet l’origine ethnique ou la langue maternelle ne semble pas le premier critère d’adhésion…