Sport professionnel : pour une meilleure intervention de l’État

Avec la possible arrivée de la coupe du monde de soccer et du retour des Expos lors des prochaines années, on parle de plus en plus de l’intervention des différents ordres des gouvernements (municipal, provincial, fédéral) dans les projets de développements des infrastructures sportives. Les semaines qui ont suivi l’élection de Valérie Plante à la Mairie de Montréal, ont amené à une angoisse des milieux d’affaires et sportifs, face au supposé désintérêt de l’administration montréalaise quant à la construction d’un nouveau stade de baseball à Griffintown.

Si le projet semble emballant, beaucoup de citoyens ont encore en mémoire le fiasco financier de la construction du stade olympique, tombeau pharaonique des dernières années des Expos dans la Métropole. De plus, une autre dépense de plusieurs millions de dollars pour le Centre Vidéotron, un cadeau gouvernemental pour une compagnie privée incapable de ramener les Nordiques dans la Capitale, a laissé un goût amer à certains, qui ne veulent pas revoir une infrastructure vide, vouée à des équipes juniors ou des spectacles de musiques métal.

Au niveau gouvernemental, par contre, plusieurs autres avenues sont possibles au-delà de la construction de stades et des congés de taxes.  L’État n’est pas obligé de donner des aides financières aux équipes, il peut aussi en donner aux joueurs. Il pourrait aider au recrutement de certains éléments en établissant un régime fiscal spécifiquement aux joueurs professionnels, selon une moyenne des taux d’imposition des différents états ou provinces de l’Amérique du Nord. Cet avantage fiscal pourrait être offert en échange de participation civile à des projets de sensibilisation ou d’actions communautaires, qu’on le veuille ou non, ces professionnels sont souvent des modèles plus importants que les politiciens ou artistes.

On peut aussi aider les équipes à faire face à la dévaluation du dollar canadien, afin de pouvoir compétitionner  plus équitablement face aux marchés américains, car leurs dépenses se font souvent en dollars américains, tandis que leurs revenus le sont en dollars canadiens. Un fiscaliste pourrait trouver une solution mieux que moi à ce sujet, mais c’est un aspect que l’on ne peut mettre de côté pour l’établissement d’une franchise viable au Québec.

En échange de ces aides financières, les équipes pourraient également laisser des billets à des prix modiques ou abordables… Si l’État doit intervenir directement, cela devrait être avant tout pour assurer une accessibilité aux sports, autant dans l’arène que dans les estrades. Le sport doit être pour tout le monde, car avoir un accès limité aux activités sportives durant l’enfance amène non seulement des problèmes de santé, mais aussi d’estime de soi, en faisant en sorte que les rêves de « de la ligue nationale» ne sont désormais possible qu’aux mieux nantis.

Les municipalités aiment construire des arénas et des centres aquatiques pour faire plaisir à leurs amis entrepreneurs ou ingénieurs, mais le sport c’est plus que du béton.  Le sport c’est avant tout des êtres humains, qui veulent participer pou encourager, qui veulent construire quelque chose pour eux-mêmes, mais également pour leur collectivité.

Le gouvernement doit voir les équipes professionnelles comme une chaîne faisant partie de la structure de développement sportif national et les intégrer au sein de leurs politiques publiques. Il ne s’agit pas ici que de divertissement.

Une équipe «nationale» demande un programme national, il faut donc offrir des opportunités à des talents locaux. Cela serait possible si on avait une véritable équipe nationale pour souvenir le développement des athlètes, mais le Québec doit pour l’instant être subordonné à des fédérations nationales ayant des intérêts pouvant diverger des nôtres. Les équipes professionnelles viennent ainsi combler un manque, elles permettre d’apporter une fierté collective, une fierté que l’on partager qu’avec sa communauté… une communauté qui nous définit mieux, celle qui nous appartient vraiment.

Faire fi du financement public dans l’établissement d’une franchise sportive privée est quasi impossible à concevoir. Ces équipes comprennent trop d’éléments collectifs pour être vues comme une simple propriété d’un millionnaire excentrique ou d’un consortium milliardaire. L’État doit prendre une place dans ce type de projet, en fait, il doit prendre toute la place liée à la sphère publique.  Et celle-ci est principalement liée au développement et au renforcement des différentes structures sportives.

Il faudra comprendre aussi que pour avoir des résultats intéressants pour nos équipes professionnelles, que ce soit au niveau des victoires que des revenus, nous devons former de meilleurs athlètes au sein des différentes disciplines sportives. Non seulement pour fournir des joueurs locaux, mais aussi intéresser plus de gens à ces sports.  Voilà ici, je crois, la plus importante intervention qu’un État peut donner à une équipe professionnelle.

Il faudra produire les meilleurs joueurs en Amérique du Nord, afin d’offrir les meilleures opportunités aux garçons et aux filles qui pratiquent ces sports. Les avantages de tels projets sont nombreux, aide à la lutte au décrochage scolaire, développement d’une expertise au niveau national et une meilleure santé de la population dans son ensemble qui a un plus grand accès à l’activité physique. De plus l’aménagement d’infrastructures sportives pour la collectivité peut servir à revitaliser des secteurs en difficulté, en plus de rassembler les communautés autour d’une équipe. Apprendre à aimer une équipe n’est-il pas un bon moyen d’apprendre à nous aimer nous-mêmes, en tant que groupe?

Cela pourra paraître utopiste, mais l’excellence ne naît pas d’elle-même. Et pour faire comprendre à la population que les victoires sont à portée de main, que rien n’est impossible dans notre coin de pays, il faut bien commencer par gagner quelque part. Le sport ce n’est pas  qu’une business, c’est une fabrique de significations dans un monde en quête de repères, c’est aussi le chantier d’une fierté collective qui se perd alors que les barrières tombent, c’est le dernier cri de ralliement des dernières véritables batailles, c’est un des derniers bastions de nos vies quasi virtuelles où l’humain est la mesure de toute chose. Il est temps, je crois, de se le rapproprier.


Politiques publiques proposées dans cet article

  1. Régime fiscal distinct pour les joueurs professionnels
  2. Aide concernant la dévaluation du dollars canadien
  3. Programme de développement nationaux intégrant les équipes professionnelles

Mes vacances « baseball » cet été

Cet été, j’ai réalisé un rêve un peu fou et très particulier.  J’avais depuis longtemps l’idée de parcourir le Québec régional dans le but de visiter ses microbrasseries et assister à des matchs de baseball qui y survit encore.

Le baseball peut aussi être un bon prétexte pour visiter le Québec et de sortir des sentiers battus.  Nous ça été la bière, mais il y a des artisans, des restaurants, des musées, des campings, des sentiers de VTT, ou des pistes cyclables un peu partout, ce n’est pas les activités qui manquent.

Mon périple a commencé en quelque sorte avec un match de l’Impact la veille de ma « tournée », et quel match ! Un tour du chapeau de Drogba, Patti qui tricote de bas et sert des tasses de café à l’équipe adverse toute la soirée, en plus de Mancosu qui marque à sa présence avec le club montréalais… Avec les ultras en feu, le Stade Saputo a failli exploser.

Alors avec toute cette émotion, je me suis couché tard, pour partir au petit matin pour un match de baseball de la ligue Can-Am au Stade Municipal de Québec en après-midi.  Je m’attendais a un peu plus d’un match entre les Capitales et les Aigles de Trois-Rivières.  Les visiteurs l’ont emporté 4-1 sur des erreurs…

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Match Aigles de Trois-Rivières @ Capitales de Québec

La première impression que j’ai eu au match des Capitales de Québec, c’est la quasi-absence de minorités visibles dans les estrades.  Pour le gars de Villeray, ce genre d’environnement est toujours un peu déconcertant…

On a été moins chanceux à Trois-Rivières, le match a été reporté pour cause de pluie.  On a fait un peu de visite, on a bu beaucoup plus que prévu. (NDLR : Finalement, on a pu utiliser nos billets pour un match durant la fin de semaine de la fête du Travail, on a eu droit a un match de fou où les Aigles l’ont emporté 10-9 en dixième manches).

Après un arrêt à Magog, nous sommes allés voir deux matchs à Coaticook et à Sherbrooke.  Je peux vous certifier que le baseball dans les Cantons-de-l’Est, c’est sérieux. Le stade à Coaticook est assez surprenant pour une « petite ville »; celui à Sherbrooke est un peu moins beau, mais on y compense largement par l’ambiance et l’organisation.  Bref, on a eu bien du fun.

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Stade Municipal de Québec

Au baseball, comparativement aux autres sports, le niveau de jeu n’a aucune influence sur mon appréciation du spectacle.  J’aime le soccer, j’adore l’Impact, mais je ne crois pas que j’aurais beaucoup de plaisir à regarder un match de semi-pro avec le même plaisir.  Lorsqu’on passe dans un parc où il y a un match de baseball, il est plus que fréquent qu’on arrête pour regarder. C’est un sport qui « impose » la pause, qui fait arrêter le temps, ce que les gens ne font pas dorénavant assez…

Le meilleur moyen de perdre 3 à 4 heures dans une journée, car aller un voir « une game de balle », il faut accepter de perdre son temps. C’est prendre une pause avec le rythme effréné de la vie moderne. C’est aussi un acte de Foi, car on sait lorsque ça commence, mais on ne sait jamais lorsque ça va finir.  Regarder du baseball, c’est plus anticiper le dénouement du jeu, que le jeu lui-même. La beauté de ce sport réside plus dans l’imprévu, l’inespérée, la différence étant toujours faite lorsqu’un des joueurs effectue une action considérée au-delà de ses capacités.

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Match Cactus de Victoriaville @ Expos de Sherbrooke, Stade Amédée-Roy

Certains en visite aux États-Unis vont voir des parties des ligues majeures comme si c’était quelque chose d’exotique, comme je l’ai déjà fait au Wrigley Field à Chicago.  Pour beaucoup, le baseball ne fait déjà plus partie de nous, mais les Québécois jouent au baseball depuis plus d’un siècle.  Le baseball, c’est un élément de notre héritage, de notre identité.

 

Toutefois, le manque de leadership des Expos d’emmener des Québécois dans les ligues majeures, de prendre prendre possession véritablement de ce sport, de donner aux jeunes athlètes québécois un autre domaine où ils pouvaient exceller, peut expliquer que ce détachement fut aussi facile ces dernières années.

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Stade Expos de Sherbrooke @ Big Bill de Coaticook, Stade Julien-Morin

Aller voir un match de baseball en Région, c’est un peu comme assister à une assemblée de comté du PQ, beaucoup de têtes blanches, pas beaucoup d’immigrants, une poignée de fanatiques et deux-trois touristes… Le baseball est devenu en quelque sorte un acte de survivance et du même coup une réaction à de profonds changements qui bouleversent la société québécoise.  C’est un lien avec un passé qui s’efface tranquillement…

Il faut arrêter de croire que le « retour du baseball » passe par un retour des Expos. Avant 1968, les terrains de baseball étaient remplis partout sur le territoire du Québec, les joueurs québécois dans les ligues majeures étaient tout aussi rares et personne ne semblait s’en soucier.

C’est pourquoi je crois qu’il faudrait une équipe sénior ou Can-Am, plus près du centre-ville (sur le Plateau ou quelque chose du genre) et il faudrait même la présence de ces équipes de niveau « inférieur » à Montréal, même si les Expos revenaient s’installer dans la Métropole. Premièrement, cela donnerait accès à un niveau supérieur aux joueurs québécois et montréalais. Ensuite, permettrait à certains quartiers de renforcer leur sentiment d’appartenance, en ayant un lieu de rencontre.  Car, il y a toujours de la place au baseball et le baseball accueille tout le monde, c’est le plus démocratique des sports. Les bons joueurs sont ceux qui réussissent un coup sûr environ, 3 fois sur 10. On célèbre en quelque sorte les moins pires plutôt que les meilleurs, tout le monde peut s’identifier à ce genre d’athlètes.  C’est pourquoi je crois que le plan d’action de la Ville de Montréal pour le baseball est une bonne chose, il était temps qu’on réinvestisse un peu dans ce sport oublié. Expos ou pas Expos, je crois que cela ne peut être que bénéfique pour les jeunes, nos infrastructures sportives, et l’augmentation de l’activité physique.